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« Comme un enfant aux yeux de lumières, Qui voit passer au
loin les oiseaux, Comme l’oiseau bleu survolant la terre, Vois comme
le monde…le monde est beau »
L’oiseau et l’enfant- Marie Myriam-1977
Yeah
!!!! Après la performance de Marie Myriam le 7 mai 1977, la candidate
de « la chanson made in France » au concours de l’Eurovision,
sanctionnée par la reconnaissance de l’Europe entière
(« France…undred thirty six points… »), et avant
une qualification tellement attendue et espérée pour le
Mundial 78 de nos jeunes coqs, la saison 77/78 était porteuse d’espoirs
pour nos représentants tricolores sur l’échiquier
continental.
Après
un 1er tour qui vit l’élimination en C2 de l’ASSE par
MU suite à un match aller émaillé d’incidents
dans le Chaudron, ne restaient que Nantes en C1 et Lens & Bastia en
C3.
En
octobre, suite à leur qualification face aux suédois de
Malmö ( 4-1, 0-2), le tirage au sort leur désigna un sacré
cador pour les 16ième , la Lazio Rome elle-même s’en
venait défier nos fiers Sang et Or en Pays d’Artois.
Les italiens, fort de leur succès de l’aller au stade Olympique
(2-0) s’en vinrent relativement décontractés et trop
sûr d’eux à Félix-Bollaert en ce 2 novembre.
«
Vois comme le monde…le monde est beau », oui, Marie, ce fut
magnifique ce soir-là !
Dans ce pays austère où la grisaille s’est mise à
la colle avec son bassin minier, où le plafond du ciel a empêché
les montagnes de pousser et où un regard de ch’timi, sincère
et droit vaut beaucoup plus que de longs discours emphatiques, nos Lazialistes,
loin, très loin de la Dolce Vita du Maître Fédérico
tombèrent dans un véritable traquenard.
La
pluie avait cessé de tomber au coup d’envoi. Le public Lensois,
véritable 12ième homme de ses protégés, nous
gratifia d’une ambiance extraordinaire dont lui seul a le secret,
mélange de ducasse (1) et jeux du Cirque. La bande d’Arnold
Sowinski emmenée par Cap’tain Richard « Zébulon
» Krawczyk allait répondre présent…et de quelle
manière !!
Faut dire qu’il ne faut pas leur raconter n’importe quoi aux
Flak, Joly, Hopquin et autres Leclercq …
Ici, on est dans un pays où travail et sueur chevillés au
corps et au cœur sont omniprésent.
Ici, quand la générosité se donne, elle est sans
limite.
Et comme le dit si bien l’humoriste Dany Boon « Quand tu débarques
ici, tu pleures 2 fois ! La première quand tu arrives…la
seconde quand tu pars !! »
Wilson, Giordano, Manfredonia et tutti quanti s’en repartirent avec
des larmes de désolation plein leur besace.

Après
un début de match qui vit les Sang & Or se jeter sur toutes
les balles comme des morts de faim, qui vit les italiens dégager
aussi rapidement qu’ils le pouvaient en attendant le contre meurtrier,
le jeu s’enlisa. Les Lensois balançaient, percutaient…mais
cela restait relativement brouillon malgré toutes leurs meilleures
volontés.
Puis Flak, impérial ce soir-là, ouvrit réellement
les hostilités avec un tir fulgurant détourné au
dessus de sa cage par Garella à la 17ième minute.
Le temps passe, la nervosité est apparente de part et d’autre…jusqu'à
ce qu’une panne de projecteur arrive…
«
Comme un enfant aux yeux de lumières »…oui, oui, c’est
ça Marie, maintenant t’es gentille, tu nous laisses vivre
ce match, hein ?
Tiens, à propos de lumière, celle-ci revient au bout d’
¼ d’heure et la partie peut enfin reprendre.
Juste à temps pour savourer la mauvaise foi de Pierre Cangioni
qui veut absolument un penalty pour une faute bénigne de Badiani
sur Bousdira à la 33ième dans la surface de réparation.
Et l’on se dit que l’on va atteindre la mi-temps sur un score
vierge…quand Didier Six, l’enfant terrible et tête de
turc préférée du football français, ouvre
la marque suite à une déviation de son compère Françoise
consécutif à un centre d’Hopquin.
Le
début de la seconde période nous offre la bagatelle de 5
occasions franches en l’espace de 10 minutes. On sent que ça
va arriver…forcément, il ne peut en être autrement.
Autant d’abnégation et de solidarité, propres aux
gens du Nord, ne peuvent qu’être récompensés…ce
qui arrive à la 57ième minute grâce à un nouveau
but de l’ailier international.
Une superbe frappe de 25 mètres remet les deux équipes à
égalité sur l’ensemble des deux matchs.
Et
avec les pleurs du ciel qui reviennent de plus belle, on entrevoit le
fol espoir d’une qualification historique face à un voisin
transalpin…chose assez rare pour être soulignée !
Nos herscheurs(2) de service poussent, poussent mais rien n’y fait…c’est
un déferlement continuel vers la surface italienne…les joueurs
de la Lazio sont littéralement à la rue, pour preuve, Jean-Pierre
Tempet s’emmerde royalement dans ses cages.
Mais…mais…ça y’est, c’est le but à
4 minutes de la fin…non, fatalitas, le poteau de Garella renvoie
le tir de Elie, qui était rentré entre-temps à la
place de notre ami Zeb’ (tu m’excuseras cette familiarité,
hein, mais il est de ces souvenirs accrochés à l’âme…).
Et l’on arrive aux prolongations qui se solderont par un véritable
feu d’artifice à m’baraque (3) couleurs locales.
Pour nos amis italiens, ce fut plutôt un sacré coup de grisou
(4) dans leur amour-propre.
Leur suffisance fut annihilée par la généreuse débauche
d’énergie des partenaires du feu follet Marx et du métronome
Sab …
D’abord, le but de la délivrance de Fares Bousdira à
la 109ième minute suivi par une lucarne phénoménale
de Didier Six, toujours lui, qui signe ainsi son troisième but
de cette folle soirée intemporelle (Ah Dundar, que de somptueux
buts tu auras inscrit durant ta carrière…quand tu le voulais,
que ce soit au Maracana ou plus tard face au Koweït en 82…).

Et le bouquet final interviendra avec deux nouveaux pions de Djebaili,
rentré pour la dernière demi-heure, en 120 secondes à
peine.
Les italiens boivent le calice jusqu’à la lie.La mise à
mort sauce Lensoise a eu lieu.
Les Artésiens écrivirent à l’occasion de cette
partie L’UNE DES PLUS BELLES PAGES DU FOOTBALL FRANÇAIS en
coupe d’Europe.
6-0 !!!! Tu te rends compte ?? T’en connais beaucoup des équipes
qui ont réussi à pulvériser ainsi une équipe
italienne après avoir remonté deux buts de retard concédé
à l’aller ??
Et même si au tour suivant, ils se feront sortir par Magdebourg
et descendront en D2 à la fin de la saison…qu’est-ce
qu’on s’en fout…ils auront illuminé un instant
de vie footballistique et c’est tout ce qui compte…
 
«
Pays d’amour n’a pas de frontière
Pour ceux qui ont un cœur d’enfant »…bon, maintenant,
tu me fatigues sérieusement la mère Myriam, alors, tu reste
sur la touche une fois pour toute et tu me laisse rendre l’hommage
qu’il se doit à ces gars du ch’ Nord qui ont embelli
une de mes plus belles soirées football de tous les temps.
Un
match âpre, tendu, épique et tellement humain.
Propre aux valeurs solidement ancrées de cette région.
Un match d’hommes, tout simplement.
Voilà ce qui me revient sans cesse à fleur de peau quand
mes souvenirs vagabondent à l’époque où je
n’étais qu’un quinquin (5) barbare…et quitte
à finir en chanson, je préfère celle-ci :
« Au nord c’étaient les corons
Au nord,ch’étot les corons
La terre c’était le charbon
El’tierre ch’étot du carbon
Le ciel c était l’horizon
Eul ciel ch’étot l’horizon
Les Hommes des mineurs de fond »
Ché hommes, des mineurs ed’fond !
Tu
crois que le ch’gars Bachelet aurait récolté «
undred thirty six points » à l’EuroNavrantVision ??
José
Mendizabal
* Chaleureux
remerciements à Jean-Louis « Pilate » Caron qui m’a
sacrément aidé à « ch’timiser »
cet article.
Respect pour son amour indéfectible à ses chers Sang &
Or.
**
Salut du cœur à…mes chers parents qui m’ont régulièrement
abonné à ONZE durant mes vertes années, mag’
que j’ai conservé tout ce temps et d’où je tire
l’iconographie nécessaire pour légender mes fariboles…
(1)ducasse
: fête
(2) herscheur : ouvrier qui pousse les wagonnets dans une mine
(3) à m’baraque : à la maison
(4) grisou : explosion accidentelle de gaz dans une mine
(5) quinquin : enfant
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