[ Entretien avec Raï ]

   
 
Rai: "La Seleçao va conserver son titre !"
 


De passage à Paris pour le quatrième tournoi organisé à Levallois autour de sa fondation Gol de Lettra, le champion du monde 1994 nous a accordé le privilège d'un grand entretien nostalgique. Un mois avant le rachat du Paris Saint-Germain, et deux mois avant la Coupe du monde, Rai répondait à nos questions. Premier sujet abordé, la Coupe du monde 1994 aux Etats-Unis :
Raï: Cela faisait 24 ans que l'on avait plus gagné la Coupe du monde. Il devenait urgent de refaire une performance. En 1982, sous la conduite de Tele Santana, nous avions bien joué mais pas gagné. A chaque Mondial, la pression augmentait. En 1994, les attentes du pays étaient devenu impressionnantes. La vie du groupe s'en ressentait. En 1990, le groupe n'avait pas été assez soudé et avait éprouvé des difficultés, notamment au niveau médiatique. Le besoin de résultats était mis en avant, bien plus que la manière.

Ce qui ne ressemble pas trop au Brésil…

Raï: Beaucoup de monde avait reproché à Tele Santana d'avoir fait du jeu mais sans avoir su gagner. En 1990 au contraire l'équipe avait été jugée très mauvaise sur le plan de la qualité de jeu. A un moment donné la pression était devenue immense, et les attentes concernaient à la fois le football produit et les résultats. Au début des années 90 notre génération a commencé à reprendre le flambeau…



Vous parliez d'efficacité. Le symbole de ce football brésilien redevenu efficace, c'était Romario. Quelle relation aviez-vous avec lui ?
Une relation basée avant tout sur le respect et l'admiration. Il était toujours décisif dans les moments importants, "illuminé", enfin disons… touché par la grâce. Il avait su comprendre les nécessités de la vie du groupe, mais il restait conscient de l'importance de ses prestations pour le cours des matches.

Raï: Les tensions médiatiques ne manquaient pas à cette époque. Quels étaient les sujets de polémiques ? Quelles étaient les critiques les plus fréquemment formulées ?
Au moment des éliminatoires, une campagne de presse très nourrie demandait le départ de Pareira, le sélectionneur. Il y a eu un moment particulier pendant les éliminatoires. Pareira avait tellement l'opinion contre lui qu'il voulait partir. Un jour, au plus fort de cette crise, il a réuni toute l'équipe et nous a annoncé qu'il comptait démissionner. Ce fut un moment important pour la conquête du titre : lorsque Pareira a annoncé sa décision, tout le groupe a exprimé son désaccord et a fait corps. Pareira a donc décidé de rester.

Vous commencez alors à faire des bonnes performances au PSG après des débuts difficiles, où les supporters doutaient de vous. Un joueur brésilien doit-il forcément connaître ce temps d'adaptation ?
Raï: Pas tous, ça dépend. Les joueurs brésiliens en ont de moins en moins besoin. C'est lié au caractère de chacun. Personnellement je suis quelqu'un d'assez réservé et timide au départ, j'ai besoin de savoir où je mets les pieds. Passer du football sud-américain au jeu européen m'a donc demandé un certain temps.

Quelles étaient vos idoles d'enfance et d'adolescence ?
Raï: Zico, Falcao, Platini… (Il marque un temps d'arrêt)…

Vous aviez souvent accès à des http://footnostalgie2.free.fr/images de football européen ?
Raï: J'ai suivi de tout près la Coupe du monde 1982. J'ai alors beaucoup apprécié le jeu de l'équipe de France. Et en 1986, au Mexique, encore plus même si la France a éliminé le Brésil ! J'ai donc bien connu la génération de Platini !



On en vient tout naturellement à parler de votre frère, Socrates. Vous étiez dans la délégation brésilienne, vous avez donc vécu les choses de très près, en Espagne et au Mexique ?
Raï: J'avais 14 ou 15 ans en 1982, j'ai suivi sa préparation de près. On a beaucoup souffert parce que cette équipe nous avait fait rêver. La défaite contre l'Italie en 1982 nous avait rendus très tristes…

Justement, ajoutée à la défaite de la France contre la RFA à Séville, ce match ne marque-t-il pas la fin d'une certaine époque du football, avec la fin des tactiques purement offensives et l'entrée dans une ère plus "rigoureuse" ?
Raï: Oui, je le crois. Il est vrai que dans les années 80, les équipes les plus offensives se retrouvaient souvent prises au piège à un moment donné. On a effectivement assisté à la disparition de ces tactiques basées sur le risque et la technique. Mais après une longue disparition, je crois qu'on assiste aujourd'hui à leur retour, avec une équipe comme le FC Barcelone, qui arrive à jouer et gagner ainsi. D'une certaine manière, en 2002, c'est l'équipe la plus riche en talents offensifs qui avait gagné la Coupe du monde. Et je crois que ce sera encore le cas cette année.

Ce qui veut dire que votre favori est le Brésil !
Raï: Oui, sans hésiter ! Je crois que la seleçao va conserver son titre.

Vous n'avez pas peur de l'Italie ?
Raï: Non ! Je craindrais plus l'Argentine…

Quand vous étiez jeune, enfant, comment vivez-vous ensemble votre passion du football ?
Raï: Quand j'étais tout petit, on jouait chez nous, dans le petit jardin de la maison familiale. Il y avait un terrain où nous jouions. Puis mon frère est devenu un espoir du club, et comme nous avions 11 ans d'écart, nous n'avons plus beaucoup eu la possibilité de jouer ensemble. C'est un regret que nos carrières se soient ainsi croisées…



Votre grand frère vous prodiguait-il tout de même des conseils ?
Raï: Je dirais qu'il m'a aidé à comprendre que j'avais un don pour ce sport, qu'il m'a encouragé à prendre mes responsabilités sur le terrain, à jouer un grand rôle dans l'équipe, même si nos personnalités et nos caractères étaient assez différents. Je suis beaucoup plus timide et réservé, alors que mon grand frère est quelqu'un de plus expansif, à la grande autorité naturelle. Au poste où j'évoluais sur le terrain, comme meneur de jeu, je devais incarner un leader d'équipe. Mon frère avait donc raison de m'encourager à prendre mes responsabilités ! J'ai essayé de le faire depuis mes débuts, et je crois que ça a bien marché…

Vous rappelez-vous de votre premier ballon ? C'était un cadeau ?
Raï: Non, il y avait toujours un ballon à la maison. Etant donné que j'étais le cadet d'une grande fratrie, le football était déjà bien ancré dans la famille. Je peux dire sans exagérer que je suis né avec un ballon posé à côté de mon berceau !



Parlons de votre fondation, Gol de Lettra. Des animations particulières sont-elles programmées pendant la Coupe du monde ?
Raï: Nous avons tout d'abord organisé en mars le quatrième tournoi Gol de Lettra à Levallois, en présence de Leonardo, Ricardo et d'autres anciens du PSG comme Bravo, Guérin. Je serai présent au Mondial allemand comme commentateur, et je vais profiter de l'événement pour enrichir mes contacts et développer des projets.

Comment est née cette fondation ?
Raï: Je voulais depuis longtemps mener une action dans ma ville, au Brésil, dans les quartiers difficiles, en mettant l'accent sur l'éducation. C'est pourquoi j'ai mis cette fondation sur pied. Chaque enfant y reçoit un enseignement de bon niveau avant tout. Mon but était de prouver que ce genre d'actions peut vraiment changer la vie de ceux qui en bénéficient, et donc changer la vie de tout un quartier.

Vous êtes aussi un grand passionné de musique. A l'époque du PSG vous étiez connu pour emmener toujours beaucoup de disques avec vous, notamment en déplacement…
Raï: C'est vrai que j'ai toujours besoin d'avoir une chanson dans la tête. J'imagine un thème musical pour chaque moment de ma journée. Ma base musicale reste Gilberto Gil. C'est mon artiste fétiche !

Vous préférez donc une musique qui se danse ?
Raï: J'écoute beaucoup de styles différents… Mais c'est vrai que j'aime les rythmes qui appellent la danse.

Vous savez que le Raï désigne une musique arabe moderne. Votre prénom n'a bien évidemment rien à voir, mais d'où vient-il ?
Raï: C'est mon père qui l'a inventé. Il s'appelle Raimundo. Rai est donc un diminutif de son propre prénom. Mon père a donné des prénoms originaux à tous ses fils : Socrates bien sûr, mais aussi Sosthène, Sophocle etc.

Votre père lisait beaucoup de philosophie…
Raï: Oui. C'était un autodidacte, qui lisait beaucoup et qui avait une grande culture. J'ai grandi au milieu des livres, et j'en suis reconnaissant à mon père.



Un dernier mot sur le Paris Saint-Germain, votre ancien club ?
Raï: Ses résultats sont décevants depuis trop longtemps. Le club paie l'impatience de ses dirigeants et le manque de continuité de ses staffs sportifs. En football, il faut du temps !

Propos recueillis par Patrick Juillardinho pout Foot Nostalgie
 
Ses trois artistes brésiliens préférés

1. Carlinhos Brown
2. Lenine
3. Caetano Veloso
 


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