Notre collaborateur José Mendizabal rend, dans son style caractéristique, un vibrant hommage à Diego Maradona.
Après un printemps morose qui nous aura phagocyté les neurones avec tous Ces Insignifiants du Pouvoir Clearstreamés à souhait, l’actu a redonnée la part belle au seul véritable évènement planétaire qui fédère l’Humanité et fait converger son regard vers LA MÊME direction. Au moment où tu me liras ami lecteur, et avant de te vautrer avec volupté dans la farnienté, la Coupe du Monde 2006 aura rendu son verdict. Qui de l’Allemagne, du Brésil …ou de la France-peut-être-sera championne du monde ? Qui aura terminé meilleur buteur ? Quelle équipe a été la révélation du tournoi ? Et surtout quel joueur aura marqué les esprits ? Dans le passé, ce « sabbat planétaire » où tous les Marchands du Temple Sponsorisés se greffent, a permis la découverte et/ou l’éclosion de véritables artistes du ballon rond. Se rappeler des Pelé, Kempes, Cruyff, Bekenbauer et autres Ronaldo à jamais inscrit au panthéon des plus grands faiseurs d’émotions. Mais s’il en est un pour qui j’ai une affection toute particulière, c’est bien Diégo Maradona. Que ce soit pour ses talents de footballeurs où pour ses écarts d’adulte, Diégo occupe une place à part dans l’Histoire du football. Ok, t’as flirté avec « la ligne blanche », tu n’aurai soi-disant pas reconnu une paternité…t’as même sorti les armes contre des journaleux-charognards qui faisaient le pied de grue devant chez toi. Y’en a même qui disent que t’es pote avec l’autre barbu casquetté qui affame son peuple Cubain depuis la nuit des temps, que t’aurai eu des fréquentations « bizarres » du côté de Naples et que tu aurai même servi de paravent pour des trafics en tout genre on ne peut plus « louche »… Que n’a-t-on raconté sur notre Dr.Jeckyll & Mr.Hyde Argentin…véritable icône digne de la tragédie Grecque…
Et alors ? Tu n’es qu’un Homme…rien de plus. Avec tout ce que cela comporte. Des excès et des dérapages Des chemins de traverse empruntés inconsidérément. Et surtout…surtout le droit de se tromper… Et l’on pardonne, à défaut d’excuser, plus facilement aux êtres que l’on aime, non ?
Enfin, un homme, c’est vite dit. Disons plutôt un enfant avec un corps d’homme qui s’est retrouvé dépassé par tout ce qui lui est arrivé (le succes, l’argent, la gloire, le flouze, la notoriété, et le pognon…encore et toujours…avec moult parasites alentour alléchés par cette Corne d’Abondance) Ah Diégo, malgré tout ça-où sans doute à cause de cela- ma tendresse pour toi n’a d’égale que le plaisir brut et sans concessions que tu auras prodigué à la face du monde quand tu jouais avec cette satanée sphère de cuir…
Il n’est pas de plus grande frustration pour un être humain que de susciter l’indifférence chez ses congénères…à fortiori quand on est un artiste. Diégo, lui, a banni à jamais ce sentiment chez tous les aficionados …et même chez ceux qui ne sont pas trop portés vers la balle ronde de notre passion. Ce qui n’est pas donné à tout le monde. Que ce soit par ses arabesques sur le terrain ou par ses frasques en dehors de celui-ci (encore maintenant !), il interpelle n’importe quel quidam.
Qu’il me revienne en mémoire la toute première fois ou j’entendis parler de toi* en 1979. Tu allais disputer le Tournoi Mondial Junior au Japon, et avant cela, Luis César « El Flaco » Menotti voulait te tester chez « les grands » lors de quelques matchs contre des équipes Européennes (après t’avoir écarté au dernier moment du groupe Champion du Monde en 78). Ce qui fut pour moi l’occasion de te découvrir avec le match Argentine-Hollande, le remake de la dernière finale de Coupe du Monde qui n’avait d’amical que le nom, pour le 75ième anniversaire de la FIFA. Et déjà, le petit bonhomme d’alors laissa poindre toute l’étendue de ses capacités. Tu enchantais déjà depuis quelques temps le public Argentin, que ce soit sous le maillot d’Argentinos Junior où celui de Boca, l’amour de ta vie. Pour nous autres Européens, il nous faudrait attendre encore 3 ans et le Mundial Espagnol. On allait voir ce qu’on allait voir. Suite à une mauvaise entame contre la Belgique (0-1), l’Argentine devait absolument vaincre la Hongrie. Ce qui fut fait de manière éclatante (4-1) avec 2 buts et une partie époustouflante de celui qui deviendrait plus tard el pibe de oro. Un Mundial qui se termina mal pour toi, consécutif à ton expulsion contre les Brésiliens au second tour (1-3). Mais bon sang, faut avouer aussi que ton « ami » Claudio Gentile avait bien balisé le terrain de ton pétage de plombs 3 jours auparavant…** Qu’importe…je sus à ce moment précis que j’attendrais frénétiquement tes prochaines apparitions sur mon écran cathodique pour avoir ma dose de plaisir footballistique.
Oh, bien sûr, je te fus infidèle certaines fois. Comme ce soir de Septembre 1986 lors d’une interminable séance de penaltys où mon cœur battait pavillon mauve.*** Où bien en Juin 94, nous apprenions que tu avais pris des produits défendus pour améliorer tes performances. Ne m’en veux pas. A l’image de l’Existence et de ses vicissitudes, je ne suis qu’un homme comme toi. Il m’est arrivé de ne pas savourer toutes tes prouesses sur un terrain (ta fameuse main de Dieu) et tes fréquentations peu recommandables en dehors…mais c’était toujours pour mieux te revenir. Que n’ai-je honni Andoni Goicoechea, mon frère de sang basque pour le mal qu’il t’avait causé.**** Comme j’ai ressenti douloureusement les sifflets Italiens à ton encontre à la fin de la finale du Mondialé 1990. Quelle tristesse de te voir pachyderme, à la descente d’un avion à La Havane, avec le palpitant qui risque de lâcher à chaque minute ces dernières années. Quel émoi de savoir que la Faucheuse te draguait ouvertement il y’a quelques mois…
Mais tu es toujours là !! Hurlant, vibrant, s’exaltant pour une sélection Argentine et son football chatoyant***** Dans ces loges et autres tribunes officielles estampillées Macmerde & Nikefric, parmi tous ces encravatés blasés, ta joie et ton bonheur font réellement plaisir à voir. Tu es là comme un formidable pied de nez à la Mort, qui n’a pas voulu de toi. La Mort sait ce que tu représentes pour beaucoup. La Mort ne peut décemment pas te ravir à sa consoeur la VIE. Cette VIE qui allume ton sourire et qui irradie tes yeux d’enfant. Car c’est bien ce que tu es resté Diégo : un enfant qui respire et n’existe que par le football. Ce football que tu as su embellir bien des fois. Que de souvenirs tu nous as laissés. Que ce soit ton chef d’œuvre de second but contre l’Angleterre en 86, ta C3 remporté avec Naples contre Stuttgart en 89 ou ta passe magistrale offerte à Caniggia, contre le Brésil en 90.
Et s’il ne devait rester qu’une image de toi, ce serait sûrement ce visage magnifique et cette joie indescriptible qui l’illuminait lorsqu’on te décerna le trophée tant convoité en 1986.
Ce gamin, qui s’exprima quelques années plus tôt face à une caméra de la TV Argentine, venait de réaliser son rêve : jouer et gagner la Coupe du Monde ! Diego, permets-moi de t’adresser ces vers de Rudyard Kipling, tiré de son fameux IF :
"Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite Et recevoir ces deux menteurs d’un même front, Si tu peux conserver ton courage et ta tête Quand tous les autres les perdront, Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire Seront à tout jamais tes esclaves soumis Et, ce qui vaut bien mieux que les Rois et la Gloire, Tu seras un homme, mon fils."
Merci Diego et hasta pronto.
* Dans le mag’Onze n° 43 de Juillet 1979, lorsque l’Argentine effectua une tournée Européenne, avec des confrontations amicales contre la Hollande, l’Eire, l’Italie et l’Ecosse.
** Lors du 1er match du second tour (Italie-Argentine : 2-1), le défenseur transalpin n’eut de cesse de matraquer Maradona tout au long de la partie…sans recevoir un seul carton jaune !!
*** Lors de la saison 86/87, en 32ième de finale de C3, Toulouse élimina Naples aux tirs aux buts (0-1, 1-0)…et Diégo rata le sien…
**** En septembre 1983, lors d’un match opposant l’Athlétic Bilbao (futur champion d’Espagne) à Barcelone, Andoni Goicoechea, le défenseur Basque blessa Maradona pour une durée de 4 mois.
***** Cet article a été rédigé au lendemain d’Argentine-Serbie-Montenegro(6-0) du Mondial 2006 .Véritable démonstration de football sous l’œil hilare et complice de Diégo dans les tribunes. |