Comment oublier le fabuleux Barcelone-Metz d’Octobre 1984 ? Pas possible çà !! Un tel oubli c’est un truc à me faire passer pour un mécréant hérétique jusqu'à la fin des temps et lapidé en place publique par tes bons offices, ami lecteur. Et comme tu m’accompagnes depuis bientôt 1 an dans mes propos iconoclastes, ton serviteur se devait de rajouter un peu de rab à son article mensuel …
Mais avant, juste un p’tit flash-back…
Automne 1984-20 ans au compteur-Les hasards de l’existence m’accordent une halte momentanée dans le Vaucluse. Et plus particulièrement dans un petit village, qui aura malheureusement son heure de « gloriole aseptisée » quelques 2 décennies plus tard, via le TéVéCon et une bande de cobayes décérébrés qu’on Endemolisera 1 mois et demi durant entre veaux, vaches et cochons dans une pseudo ferme : VISAN ! Ici, ce qui prime c’est le pinard…donc les vendanges en boulot saisonnier. Beaux souvenirs de jeunesse.Belle école de Vie.
En compagnie d’une vingtaine d’ouvriers espagnols, et plus particulièrement catalans, plusieurs hectares de vignes nous attendent pour 3 semaines de labeur. Et dans ce groupe, il y’a un dénommé Antunes…va vite m’être insupportable celui-là… Déjà, ses potes et lui n’ont toujours pas digéré la défaite en finale de l’Euro 3 mois plus tôt. Alors, ils y vont sans cesse de leurs quolibets sur les performances respectives du football français comparées au football ibérique. Entre la conduite du tracteur et le déversage de hottes bourrées jusqu’à la gueule de grappes noires, il ne se passe pas une journée sans que mes collègues ne chambrent-voire n’allument le chétif franchouillard que je suis. Pas vraiment appuyé dans ces joutes verbales par le taulier…l’aime que son pinard le vigneron, le reste, hein…je dois donc-seul- faire face, comme je peux, à leurs sempiternelles et quotidiennes moqueries. De bon aloi bien sûr…mais à la longue, ça gonfles, ça gaves, ça énerves…même mes racines basques ne trouvent grâce à leurs yeux. « … la Coupe d’Europe et les clubs espagnols, c’est une longue histoire d’amour…et ce sont les clubs espagnols qui ont donnés leurs lettres de noblesse aux différentes compétitions européennes…et combien de Coupe d’Europe avez-vous gagné les français ?… et gnagnagnagna… » Tous les jours comme ça ! Certes, Bordeaux l’a emporté d’une courte tête (3-2) ce 19 septembre face à l’Athletic Bilbao au 1er tour de C1, mais cela ne les inquiète pas outre mesure avant le retour à la Cathédrale de San-Mames. Ce qui déclenche surtout l’hilarité, c’est la défaite nette et sans bavure (2-4) du FCMetz sur son propre terrain par le grand Barça. La veille, ils ont écouté le match sur une radio espagnole et se marraient comme des baleines. Surtout quand les catalans marquèrent 3 buts consécutifs en l’espace de seulement 17 minutes en seconde mi-temps. Même Luc Sonor, le futur pestiféré du championnat de France, se mit de la partie avec un CSC en début de rencontre.
Et l’autre, là, l’Antunes qui en rajoute une couche avec les déclarations de Schuster & d’Archibald*… « Eh Frances, ce doit être bon le jambon à la Mosellane, hein ?? » Et les 15 jours qui suivirent furent longs, mais longs…à vous donner envie d’exécuter un piqué de sécateur dans des omoplates Hispaniques.
Où était passée cette fière équipe messine qui m’avait tant emballé lors de la finale de Coupe de France remporté contre Monaco 2-0 au Parc des Princes ? Ses vertus que sont le courage, l’abnégation et le dépassement de soi avaient-elles disparues subitement ? Durant les jours précédent la rencontre, Carlo Molinari le président et Marcel Husson l’entraîneur lorrain, n’avaient eu de cesse de remotiver leurs joueurs avant ce match retour au mythique Camp Nou. En s’appuyant surtout sur le dédain manifeste de l’équipe entraînée par l’anglais Terry Venables à leur égard, et relayé par le capitaine Bernad, ils comptent bien toucher l’orgueil et l’amour-propre d’une équipe qui ne se fait guère d’illusion.
« Eh Frances, ce soir, tu dînes avec nous et tu restes écouter la radio ?? » me lance l’Antunes. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, j’accepte l’invitation…en me demandant si je n’ai pas des penchants sado-maso ??
Quand le match commence, devant une faible assistance de 24 000 spectateurs seulement, personne ne peut absolument pressentir ce qui va se passer. D’entrée, Etorre effectue un arrêt absolument incroyable sur sa ligne face à une tête à bout portant de Carrasco. Bracigliano et Bernad orientent le jeu de leur équipe tandis que Schuster est obligé d’aller rechercher ses ballons loin derrière dans son camp. Metz, qui a retrouvé sa solidarité, se replie rapidement en défense chaque fois que les catalans amorcent une attaque et ne fait absolument aucun complexe face à Barcelone. A la demi-heure de jeu, le gardien lorrain s’oppose encore une fois à un raid de Schuster qui se présente face à lui.
Hinschberger lui répond en tirant juste au-dessus dans la minute suivante… avant que Paco Carrasco n’ouvre ensuite le score. Cette fois, Metz n’a plus le choix, quitte à se faire sortir prématurément de la Coupe d’Europe, autant que ce soit avec les honneurs. On s’achemine tranquillement vers la fin de la première mi-temps lorsqu’en l’espace de 120 secondes, tout va basculer. Tony Kurbos égalise d’abord par un superbe but qui surprend toute la défense catalane, qui est ce soir-là assez lourde et montre d’évidents signes de fébrilités. Pourtant, que du beau monde, jugez plutôt : Migueli « le poète » surnommé Tarzan , Alexanco, Julio Alberto…et Sanchez qui nous gratifie d’un superbe CSC porteur d’espoir pour le camp lorrain alors qu’arrive la pause. Sur l’engagement des Barcelonais suite à l’égalisation, Sonor récupère la balle dans les pieds de l’Ecossais Archibald puis transmet immédiatement à Kurbos qui passe à Bernad…qui relance de nouveau son attaquant sur l’aile droite.
Une action magnifique en 2 temps, 3 mouvements. Celui-ci centre pour Jules Bocandé…devancé par le défenseur espagnol qui propulse la balle dans ses filets. Les mouches ont changé d’âne subitement, un ange passe dans les travées.
« Eh Antunes, je m’ouvrirais bien une nouvelle bouteille, moi !! héhéhéhé… » Lance-je à l’assistance des mes hôtes étrangement silencieux d’un coup.
Les joueurs du Barçà sont livides. Blancs comme des linges. Ils ne comprennent pas du tout ce qui leur arrive. Le colosse vacille. Le doute s’est installé chez eux. La vaillante équipe messine ne fera que renforcer leur stupeur lorsque, 10 minutes après la reprise, après que Michel Etorre eut encore effectué 2 parades décisives (en état de grâce ce soir-là), Bernad (toujours lui !) envoie une superbe passe lobée à …Kurbos (encore !!) qui fusille le portier Amador à bout portant. 1-3 pour Metz !! « Eh Antunes, z’ont perdus de leur superbe tes protégés, hein ? »
Il n’y a pas que les joueurs catalans qui sont dans cet état à ce moment-là. Plus un bruit, plus un rire. Juste la voix abasourdie du commentateur espagnol qui émane du poste de radio trônant au milieu de la tablée…
Barcelone va pourtant tout faire pour s’en tirer avec une défaite minimum qui leur assurerait la qualification mais une fois de plus le gardien messin s’oppose à Archibald. Et l’incroyable va survenir à 5 minutes de la fin. Jules Bocandé s’échappe sur son aile gauche.Il s’y reprend à 2 fois pour centrer en retrait vers…Tony Kurbos (toujours lui !!!!!!) qui catapulte le ballon sous la barre. YEAHHHHHHHHH !!!!!!!!!!!! Tel un frappadingue-psychopathe, je monte sur la table et hurle à m’en faire casser la voix. M’agenouille devant Antunes, saisit la cruche de Côte du Rhône…et la renverse totalement sur sa tête. Lui, complètement abattu et tétanisé….
BARCELONE-METZ : 1-4 !!!!! L’inimaginable vient de se produire. D’un coup, on tombe dans l’irréel le plus total. Le MOMENT où les forces cosmiques se conjuguent à l’irrationnel. Cette nuit, le Temps s’est Bernadettesoubirousé et un véritable miracle vient d’avoir lieu. La bande à Barraja, Rohr, Lowitz & Co vient d’accomplir LE PLUS GRAND EXPLOIT JAMAIS REALISE DANS L’HISTOIRE DE LA COUPE D’EUROPE !!
Les jours suivants, nous arrivâmes à la fin des vendanges.La fête, avec toute l’équipe fut…disons… « apocalyptique » et avec Antunes, nous devîmes copain comme cochon.
Quelque temps après, ma route m’emmenant à Ibiza par bateau, je parcourai un journal espagnol, le Mundo Déportivo. Celui-ci revenait sur ce match intemporel et avait titré son article : « La nuit des morts-vivants ». Si l’on m’avait dit que cela s’appliquerait également pour nos ersatz d’homo-sapiens trépanés télévisuels qui séviraient quelques années plus tard dans ce petit village du Vaucluse…
* Après le match aller, Schuster déclara qu’ils offriraient un jambon à Etorre pour les toiles qu’il effectua (à noter que l’expression de « jambon » sera reprise en 90 par Louis Nicollin, président de Montpellier, envers les joueurs du PSV Eindhoven qu’ils éliminèrent au 1er tour de la C2) et Steve Archibald qui les traitera ni plus ni moins de… «charlots ». |